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12 janvier 2023

Interactions chien-enfant : balance bénéfice-risque et conseils aux propriétaires

par Jeanne Platz

Temps de lecture  7 min

La relation enfant-chien présente de nombreux bénéfices, mais également des effets négatifs pouvant être évités par une sensibilisation des propriétaires (cliché : Pixabay).
La relation enfant-chien présente de nombreux bénéfices, mais également des effets négatifs pouvant être évités par une sensibilisation des propriétaires (cliché : Pixabay).
 

Dans un foyer comptant chien et enfant/adolescents, le bénéfice des interactions entre ces deux parties est-il équilibré ? Une revue de synthèse réalisée par des vétérinaires de différentes universités chinoises et australiennes a recensé et analysé 393 documents, publiés entre 1980 et 2022 , pour répondre à cette question. Ont été évalués les effets des interactions chien-enfant sur le bien-être physique, mental et social des deux parties.

Localisation des auteurs dont les publications ont été incluses dans la revue de synthèse publiée fin 2022 : une majorité des études provient d'Amérique du Nord et d'Europe (d'après Giraudet et coll., 2022).

 

Quels bénéfices pour les enfants et les adolescents ?

Sur le bien-être physique, les auteurs listent la participation aux promenades et les activités de jeu avec le chien, qui permettent une augmentation de l'activité physique. Le niveau d'activité est par ailleurs corrélé positivement avec l'attachement de l'enfant pour le chien. De plus, vivre avec un chien augmente le temps d'activités extérieures, ce qui est associé à un plus haut niveau de mobilité indépendante par la suite. Cependant, à mesure que les enfants grandissent, la prévalence des comportements de jeu diminue (probablement en lien avec le déclin de l'activité physique à l'adolescence). Pendant un examen médical, la présence d'un chien peut avoir un impact bénéfique sur la physiologie des enfants en diminuant leur rythme cardiaque et leur pression sanguine.

Sur le bien-être mental, les auteurs soulignent que la présence d'un chien auprès d'enfants et les adolescents diminue le stress et l'anxiété, et pour les adolescents s'ajoute la diminution de sentiments de solitude, de dépression et de faible estime de soi. Une corrélation forte est observée entre le temps passé en contact physique avec le chien, et les effets bénéfiques. Le chien peut réduire le niveau de cortisol plasmatique du jeune en servant de « tampon social ».

Sur les effets sociaux, les auteurs relèvent que les enfants vivant avec des chiens (ou des animaux de compagnie de manière générale) sont considérés comme socialement mieux intégrés, avec un réseau social plus développé, et sont plus populaires au sein de leur classe. Ils sont également plus confiants et craignent moins le rejet social. Une explication serait que l'enfant peut mimer avec son chien les interactions qu'il aurait avec des humains. Il peut également exprimer et confier ses émotions avec plus de facilité à son chien, qui ne le juge pas. De nombreuses études ont en outre montré la diminution du sentiment de solitude lors des confinements imposés par l'épidémie de Covid-19. Avoir un chien peut également permettre de développer un comportement plus responsable pour le bien-être des autres, et plus empathique. Ceci est en lien avec les soins quotidiens du chien : le promener, le nourrir, jouer avec lui.

Aussi des risques pour les enfants

Pour les enfants, le risque principal lié au chien est celui de morsure : la tête et le cou sont des zones à risque du fait de leur petite taille. Ces événements peuvent engendrer une peur des chiens, et des conséquences médicales ou psychologiques comme le syndrome de stress post traumatique. Cerrtains références évoquent même la « cynophobie », une peur irrationnelle et persistante lors d'une exposition à un chien domestique. Elle existe aussi chez les adultes, mais a souvent été développée durant l'enfance, à la suite d'une attaque de chien ou parce que les parents étaient eux-mêmes effrayés. Sur le risque d'infections zoonotiques, plus de 60 pathogènes sont transmissibles du chien à l'humain. Ces infections passent souvent inaperçues et peuvent être transmises par simple contact, ou via des urines, fèces, salive ou aérosols infectés. Les enfants sont particulièrement sujet au parasitoses (Dipylidium caninum, toxocarose) étant donné leur comportement géophage. Les études sur l'asthme et les allergies dus aux chiens présentent des résultats contradictoires. D'une part, vivre avec un chien peut augmenter l'exposition aux endotoxines, ce qui peut booster le système immunitaire et réduire les risques de sensibilité, et donc protéger du risque de développement d'allergies. D'autre part, certaines études concluent que vivre avec un chien est associé avec une incidence plus élevée d'allergie aux animaux domestiques et d'asthme. Néanmoins, il pourrait également avoir un biais de non-déclaration d'allergies en l'absence d'exposition, si la famille ne possède pas de chien. Les zones urbaines, en favorisant le rapprochement chien-enfant par manque d'espace extérieur, pourraient favoriser ces allergies. Enfin, les enfants et les adolescents peuvent souffrir de dépression, d'anxiété, d'éloignement social et de troubles du comportement à la mort de leur chien. Il s'agit souvent de la première perte d'un être proche pour un enfant, et elle ne doit pas être minimisée. Des études ont d'ailleurs mis en évidence qu'il n'y a souvent pas de différence significative entre les niveaux d'affliction lors de la perte d'un proche ou d'un animal de compagnie. Toutefois, c'est aussi une occasion d'apprendre à son enfant le cycle naturel de la vie, dont la mort fait partie.

Points de vigilance pour les parents 

Il y a de manière générale, parmi les propriétaires, un manque de connaissance de pratiques de sécurité lors des interactions chiens-enfants. Parmi les plus évidentes figure ne pas laisser son enfant tenir la laisse du chien en promenade, s'il n'est pas assez fort pour éviter d'être tiré, ou de lâcher la laisse. Les conditions favorisant les morsures sont bien étudiées. Elles sont attribuées à l'ignorance des indicateurs d'inconfort du chien (léchage, détournement de la tête) par l'enfant, et adviennent surtout lorsqu'il est laissé seul en présence d'un chien. Elle est le plus souvent due à une erreur humaine : 86% des accidents sont initiés par un enfant s'approchant du chien lorsqu'il mange, ou qui le surprend lorsqu'il dort. Cela peut aussi se passer pendant une session de jeu, par accident ou parce que les enfants sont trop brusques, stressants ou faisant mal au chien. Car certains chiens peuvent aussi mordre même sans signaux d'alerte, par exemple lors de douleur aiguë. Les facteurs de risque sont l'historique de comportement agressif, les mâles entiers, et les chiens de race. Il est recommandé de toujours superviser un enfant en présence d'un chien. Parmi les situations à éviter : faire poser son bébé ou son enfant en bas âge très près du chien pour prendre une photo, sans faire très attention aux signaux d'alerte émis par l'animal. Car si les chiens sont de bons interprètes des signaux humains, l'inverse est faux. Les enfants, ainsi que certains adultes, interprètent souvent mal les expressions faciales d'agression des chiens, qu'ils prennent pour de la joie et des sourires. Il est donc essentiel de sensibiliser les propriétaires, voire de modifier l'environnement (par exemple, la présence de barrières séparant physiquement les chiens des enfants). La stérilisation des mâles est également recommandée.

Vu du chien : partenaire social

Cette relation bénéficie aussi aux chiens. Les enfants peuvent prendre part aux soins quotidiens du chien. Ils peuvent également créer des liens d'attachements forts qui peuvent moduler leur comportement et leur réponse émotionnelle. L'enfant peut être perçu comme un « partenaire social », et être une source de compagnie et de création d'opportunités pour des activités récréatives. Les caresses font baisser le rythme cardiaque en réduisant le stress des chiens. Si les enfants ou les adolescents promènent le chien, cela permet d'augmenter son bien-être (les promenades ont été reconnues comme très importantes pour le bien-être du chien), notamment dans les foyers qui ne possèdent pas de jardin. L'activité physique peut servir à prévenir les risques d'obésité du chien, mais offre également une stimulation intellectuelle, des opportunités de sociabilisation avec d'autres congénères, et de renifler des environnements variés. Les activités faisant travailler l'olfaction du chien en compagnie de leur maître augmentent le bien-être du chien en leur permettant d'exprimer leur comportement naturel. Les règles de bonne conduite durant la promenade devraient être connues : permettre aux chiens de sentir leur environnement et leur laisser du temps pour sociabiliser.

Attention au stress chronique pour le chien

Très peu d'attention a été portée au risque des interactions avec les humains du point de vue de la qualité de vie du chien. Vivre avec des enfants peut placer les chiens dans un état de stress chronique, étant donné le comportement imprévisible et la difficulté à identifier le comportement du chien de la part des enfants. Les facteurs de risque qui peuvent stresser davantage les chiens sont la restriction spatiale, l'isolement social, les changements de routine, des bruits forts et des événements inattendus. Certains comportements d'enfants rentrent dans ces catégories : jeux de déguisement ou bruyants, crises de colère, contact non désiré ou trop brutal… Il n'y a pas encore d'études fournissant un guide de conduite dans les interactions chiens-enfant, mais il en existe pour celles impliquant le chat et les humains, qui ont été publiées en 2021. Les parents ayant des enfants en bas âge (entre 6 mois et 3 mois) signalent des niveaux d'évitement les plus élevés par leur chien. S'il est important de présenter des enfants au chien pour le sociabiliser, il faut aussi savoir qu'obliger son animal à effectuer une relation non désirée peut être source de stress.

Ainsi, les preuves actuelles suggèrent que les interactions chien-enfant peuvent apporter des bénéfices aux deux parties. Cependant, ces interactions peuvent également être source de conséquences négatives, comme des morsures, des zoonoses ou du stress. Finalement, la balance semble être en faveur des enfants, mais pas pour les chiens. Superviser ces interactions et augmenter les connaissances sur le comportement des chiens permettrait d'augmenter les effets positifs et de réduire les négatifs, qui sont, pour la plupart, évitables.